Les groupes islamistes militants avancent au Mali

L’attentat perpétré récemment à Bamako s’inscrit dans le cadre d’une plus large poussée des groupes islamistes violents vers le sud du Mali. Il reflète aussi une situation sécuritaire qui se dégrade sous le règne de l’armée au Mali.


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Le 17 septembre 2024, des militants islamistes ont attaqué une école de gendarmerie et une base militaire dans la capitale malienne, Bamako. Quelque 77 personnes ont été tuées lors de cette attaque, qui a également fait des centaines de blessés. Les forces de sécurité ont pris plusieurs heures à la repousser. Selon une vidéo publiée par la coalition d’islamistes militants Jama’at Nusrat al Islam wal Muslimeen (JNIM), les militants auraient mis le feu à l’avion présidentiel. Cette attaque est la première dans la ville depuis neuf ans. Le fait que les militants se soient attaqués à des installations sécuritaires plutôt qu’à des cibles civiles pourtant moins protégées est d’autant plus remarquable pour sa planification et son exécution, ainsi que pour sa capacité à endommager la capacité des forces de sécurité.

Loin d’être exceptionnelle, l’attaque s’inscrit dans un schéma d’escalade d’incidents violents perpétrés par la coalition JNIM autour de Bamako, et en particulier du Front de Libération du Macina dirigé par Amadou Koufa.

Cette pression croissante sur Bamako se reflète aussi dans une dégradation plus large de la sécurité au Mali depuis que la junte s’est emparée du pouvoir en août 2020. Depuis lors, les groupes islamistes militants se sont montrés capables d’étendre la portée de leurs activités vers le sud du pays depuis de leurs bastions dans le nord et le centre du Mali.

  • Les attaques dans un rayon d’environ 150 km de Bamako devraient, selon les projections, presque tripler pour atteindre 34 en 2024, comparé à 13 événements violents en 2022 et 3 incidents imputables aux groupes islamistes militants en 2020.
  • Dans le sud du Mali, les morts liées aux groupes islamistes devraient doubler cette année (pour atteindre 335 morts) comparé à l’année dernière.
  • Les groupes islamistes militants continuent leur poussée vers les frontières des pays côtiers voisins du Mali. L’année dernière, deux douzaines d’incidents de cette sorte se sont ainsi produits dans un rayon de 50 km des frontières du Mali avec la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Sénégal et la Mauritanie. Quasiment aucun événement ne s’était produit dans cette région les années précédentes.
  • Ces tendances contredisent donc les affirmations de la junte selon lesquelles la situation sécuritaire au Mali s’améliorerait.

Les abus des droits humains augmentent sous la junte militaire

  • En 2022, la junte a fait venir environ 1 000 mercenaires russes du groupe Wagner, tout en forçant environ 20 000 soldats des Nations unies (ONU), de l’Afrique de l’Ouest et de l’Europe à quitter le pays, et ce malgré l’essor de la menace sécuritaire.
  • Sous la junte, les morts de civils imputables aux soldats maliens et aux mercenaires russes ont augmenté, passant de 84 morts de civils en 2019 à 924 en 2023 et à 1 044 morts projetées pour 2024. Ce chiffre est supérieur au nombre de civils tués par les groupes islamistes militants au Mali.
  • Un pic dans les morts de civils enregistrées en 2022 coïncide avec l’arrivée des forces du Groupe Wagner. Il est aussi lié à l’attaque tristement notoire de la ville de Moura ou l’armée malienne et Wagner sont vraisemblablement accusés d’avoir tué plus de 500 civils. Cette attaque s’est produite environ trois mois après l’arrivée de Wagner au Mali.
  • Ces attaques contre les civils sapent la confiance du public et exacerbent les tensions avec les communautés dans les régions contestées. La violence des forces de sécurité est par ailleurs un amplificateur largement reconnu de recrutement par les extrémistes violents.
  • Ces incidents se produisent alors même que la junte redouble d’efforts pour supprimer la presse indépendante au Mali. Des médias ont ainsi été fermés, des journalistes arrêtés et des observateurs de l’ONU obligés à quitter le pays.
  • La décision de la junte de reprendre les combats contre les séparatistes Touarègues dans le nord du Mali a pendant ce temps permis aux groupes islamistes militants dans le centre du pays de s’organiser et de se répandre dans les régions du sud.

La gouvernance du secteur de la sécurité est essentielle pour le succès de la contre-insurrection

La junte militaire avait justifié sa prise de pouvoir inconstitutionnelle en promettant de fournir la sécurité. Au lieu de cela, la sécurité s’est considérablement détériorée. Bamako et les pays côtiers voisins d’Afrique de l’Ouest se retrouvent sous une menace croissante. La junte continue cependant de rompre ses promesses d’une transition vers un retour à un gouvernement civil légitime.

Une contre-insurrection efficace dépend d’un secteur de sécurité redevable. Cela requiert un gouvernement légitime qui établit des relations positive avec les communautés dans les régions contestées, ainsi que le soutient populaire, la confiance dans les dirigeants du gouvernement et une armée disciplinée qui respecte les droits humains.

Au-delà d’aider à stabiliser le Mali, une meilleure gouvernance du secteur de la sécurité et une transition vers un retour à l’ordre au civil faciliteraient aussi la coopération sécuritaire régionale entre les pays sahéliens et les pays côtiers d’Afrique de l’Ouest. Cela leur permettrait de contrôler leurs frontières partagées et d’inverser l’élan des groupes islamistes militants.


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